La Commission présidentielle, dénommée Commission d’évaluation électorale, respecte-t-elle la norme de vérification généralement reconnue ?
La réticence du Gouvernement Martelly-Paul et du Conseil électoral provisoire à mettre en place une commission de vérification indépendante, comme le réclament l’Opposition et les autres secteurs du pays pour établir la vérité sur les élections, a augmenté les suspicions. En réalité, celles-ci planaient déjà sur lesdites élections.
En effet, devant la détermination du peuple haïtien réclamant son vote, ce Gouvernement a finalement capitulé en acceptant de créer une commission, non sans la diluer, en la nommant : Commission d’évaluation électorale. Ce que le Gouvernement ne comprend pas, évaluation ou vérification, l’une ou l’autre demandent, à la fin du travail, d’émettre une opinion ou tirer une conclusion et faire des recommandations. D’où l’importance de questionner si la commission obéit à la norme d’évaluation ou de vérification généralement reconnue.
Voyons ce que dit la norme de vérification généralement reconnue.
Le travail de vérification et la rédaction du rapport doivent être effectués par une ou des personnes ayant une formation technique et une compétence professionnelle suffisantes en vérification et faisant preuve d’une totale indépendance d’esprit.
Quand il est question d’indépendance d’esprit, il s’agit donc d’indépendance en apparence et en substance. D’abord, en apparence, les personnes qui font partie de la Commission ne doivent avoir aucun lien avec le Gouvernement. Ce qu’on ne peut pas confirmer pour M. Rosny Desroches, Mgr Patrick Aris et Mme Euvonie Georges Auguste. Ensuite, en substance, les personnes choisies doivent effectuer le travail avec professionnalisme, sans parti pris. Disons le tout net, l’indépendance en apparence est vérifiable immédiatement alors que celle en substance ne l’est pas. D’ores et déjà, on peut conclure que la Commission n’est pas indépendante, et par conséquent, il est plausible que le rapport sera biaisé.
Quant à la norme concernant le travail à faire, il ne revient pas à la Présidence de déterminer la nature, l’étendue et le calendrier de l’évaluation ou de la vérification mais plutôt à la Commission. Encore une fois, la Présidence en définissant le travail à faire et en fixant un délai allant jusqu’au 30 décembre 2015 pour remettre le rapport, donne un argument fort et prouve même au peuple haïtien que la Commission travaille pour elle.
Étant donné que l’Organisation Fanmi Lavalas avait déjà tiré un échantillon représentatif de la population des procès verbaux dont 100% sont frauduleux ou irréguliers, la Commission doit vérifier l’ensemble des procès verbaux pour tous les dix départements du pays. On comprend que ce travail pour être sérieux, ne peut pas être réalisé en 8 jours. De plus, la Commission doit recourir à l’inspection, l’observation, l’enquête, la corroboration, le calcul, l’analyse, etc., afin de réunir suffisamment d’informations probantes pour pouvoir étayer convenablement son rapport.
Comme on le sait, deux mois se sont écoulés depuis que les élections ont été réalisées. Il se pourrait que les données soient modifiées. La Commission doit recourir à des experts pour vérifier leur véracité. Le travail de la Commission ne doit pas être limité à une simple comparaison de la liste d’émargement versus la liste des votants ou une simple vérification des signatures et des cartes d’identification nationale pour déterminer l’authenticité des procès verbaux.
Il serait important de questionner l’organisme émettant des cartes d’identification nationale. C’est un acteur-clé dans le processus des élections. Il serait aussi logique de faire appel à un expert afin de vérifier si le système des cartes d’identification nationale (CIN) n’a pas été modifié après les élections. Par conséquent, le travail est complexe, les huit jours sont nettement insuffisants.
En fait, l’objectif que devrait poursuivre la Commission, si elle était crédible, serait de faire luire la lumière sur ce qui s’était passé. Ce faisant, la Commission travaillerait pour l’ensemble des candidats ayant participé aux élections non pas pour les deux candidats Jovenel Moise et Jude Célestin selon le vœu du Premier ministre.
Face à la situation actuelle, la nation haïtienne se trouve à un tournant décisif où elle doit faire un choix entre le statu quo et le changement pour un avenir prometteur.
Férère COFFY, BAA, MAP
Montréal, Canada
2015/12/25
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Solidarité et Unité pour sauver Haiti