Sasaye Super Star


 Nombre de messages : 8252 Localisation : Canada Opinion politique : Indépendance totale Loisirs : Arts et Musique, Pale Ayisien Date d'inscription : 02/03/2007
Feuille de personnage Jeu de rôle: Maestro
 | Sujet: Analiz relasyon avèk ONG lan editorial Lyonèl Twouyo Ven 2 Mar 2018 - 11:17 | |
| Oxfam et le Nobel
National - Les visiteurs se suivent et ne se ressemblent pas. Au moment où éclate tel scandale sur fond de commerce sexuel (mais un philosophe nous dit que la vocation du scandale peut être de faire passer la norme pour l’exception) impliquant une puissante ONG, passe chez nous un prix Nobel de littérature, Wole Soyinka, qui réclame que l’histoire de la révolution haïtienne soit enseignée dans les lycées et les universités d’Afrique.
Il est quand même intéressant de noter que le scandale n’a pas donné lieu à des enquêtes approfondies sur l’efficacité du travail de l’ONG en question ni à une sociologie des ONG. Condamnations morales, excuses… Eventuelles poursuites pénales. Le discours sur cette affaire ne cherche pas bien loin.
Laissons les affaires pénales au système judiciaire, mais interrogeons ce dont tel acte délictuel peut être la forme exacerbée. La question fondamentale qui se pose au personnel des ONG reste le rapport à l’autre comme sujet.
La posture est de se considérer plus « sujet » que l’autre. C’est pour cela que si l’on veut provoquer chez eux la panique, parfois la haine, il suffit de leur demander : de quel lieu tu parles ? La question suppose un « je » égal au leur.
Comment admettre une voix, des voix qui ne seraient pas les représentations sonores, les remerciements et les jérémiades, des « êtres de besoin » qu’ils sont venus aider ! D’où l’indifférence, le mépris, voire le dénigrement, devant toute réussite « autochtone ».
L’ONG, c’est le lieu d’exercice de la logique d’accomplissement personnel d’un « sujet plein » qui ne souffre ni la question ni la contrariété.
Ce que l’ONG confère comme confort, c’est l’exercice d’une puissance symbolique et matérielle qui permet de dire « je » sans interlocuteur et de s’acheter un minimum d’objets de satisfaction.
Il est plus facile de s’acheter les services d’une prostituée, quitte à transformer soi-même une jeune fille défavorisée en prostituée, que de faire la cour à une Haïtienne qui serait son égale.
Il y a des cas où il ne s’agit pas de prostitution formelle sans empêcher que s’y exerce la logique d’un sujet plus plein venant, dans sa tête, d’une quelconque façon (connexion, assimilation) comme au secours d’un sujet auquel on apporte un « plus ».
La différence avec le Nobel (pas parce qu’il a le Nobel, mais parce qu’il s’intéresse à l’Histoire et à l’autre comme son égal) c’est qu’il sait que le monde n’est pas son ressenti, que ses besoins personnels ne sont pas la loi qu’il faut suivre, et que s’il est pleinement sujet, les autres le sont aussi.
Il n’y a pas que les violeurs et les acheteurs de sexe à vouloir nier l’autre, l’Haïtien, comme sujet. C’est un élément constitutif d’une certaine mentalité ONG : la puissance opère par raccourci et se passe autant que possible de la contradiction que suppose le langage.
Antoine Lyonel Trouillot Auteur | |
|